Dans la Chambre du Prince
LA Belle se réveilla terrorisée.
C’était le crépuscule ; la Fête était finie. Les Seigneurs et les Dames qui demeuraient là faisaient grand tapage dans la fièvre de l’après-midi, mais on ne l’avait pas détachée et elle ne savait pas ce qui allait advenir d’elle.
Au cours du banquet, on avait bruyamment fessé plusieurs autres esclaves, et, à la réflexion, il semblait qu’aucune offense ne fût requise pour cela, mais la pure et simple décision d’un Seigneur ou d’une Dame. La requête était ensuite accordée par la Reine – et le malheureux se retrouvait jeté en travers du genou d’un Page, la tête penchée, les pieds s’agitant au-dessus du sol, et le battoir d’or le rouait de coups.
À deux reprises, cela avait été le tour de jeunes femmes.
Et l’une d’elles avait éclaté en silencieux sanglots. Mais quelque chose, dans ses manières, avait inspiré un soupçon à la Belle. Après sa fessée, elle avait un peu trop vite filé aux pieds de la Reine, et la Belle avait espéré qu’on la fessât de nouveau, que ses sanglots devinssent réels, que son empressement devînt réel, et elle avait éprouvé un vague ravissement lorsque la Reine avait ordonné qu’il en serait ainsi.
À présent, la Belle était éveillée, elle pensait rêveusement à tout cela, et ressentait une peur aiguë, mais aussi une sorte de sentiment tragique.
L’enverrait-on en quelque lieu reculé, avec tous ces esclaves ? Ou bien le Prince la prendrait-il ?
Elle fut frappée de confusion quand elle comprit que le Prince s’était levé et qu’il avait donné ordre au Seigneur à la chevelure grise d’amener la Belle avec lui.
On la délia ; son corps était tout raide. Mais le Seigneur tenait en main l’un de ces battoirs d’or qu’il essayait bruyamment sur la paume de sa main, et, sans lui laisser le temps de détendre ses muscles endoloris, il lui ordonna de se mettre à genoux, penchée en avant. Comme elle hésitait, son ordre tomba de nouveau, très coupant mais il ne la frappa pas.
Elle se précipita pour rattraper le Prince qui venait à peine d’atteindre l’escalier.
Et bientôt elle le suivait tandis qu’il montait et descendait les marches d’un long corridor.
— Belle (Il s’effaça), ouvrez les portes !
Se dressant sur les genoux, elle ouvrit promptement ces portes, pesant sur elles pour en écarter les battants, puis elle suivit le Prince dans une chambre à coucher.
Le feu faisait déjà une grande flambée dans l’âtre, les rideaux étaient tirés sur les fenêtres, on avait rabattu les draps du lit, et la Belle frémit d’excitation.
— Mon Prince, dois-je entamer son apprentissage sur-le-champ ? s’enquit le Seigneur aux cheveux gris.
— Non, mon Seigneur, je vais m’y employer moi-même les premiers jours, et peut-être au-delà, répliqua le Prince, cependant vous pourrez naturellement, chaque fois que l’occasion s’en présentera, l’instruire, lui enseigner les bonnes manières, les règles générales qui s’appliquent à tous les esclaves, et ainsi de suite. Elle ne baisse pas les yeux comme elle le devrait, vous le constatez ; elle est si curieuse.
Et, à ces mots, il sourit, quoique la Belle abaissât aussitôt le regard, malgré son vif désir de voir ce sourire.
Elle s’agenouilla docilement, heureuse que ses cheveux la dissimulent Puis elle revint sur cette pensée. Elle n’apprenait guère, si tel était ce qu’elle désirait.
Elle se demanda si le Prince Alexis avait eu honte de sa nudité. Il avait de grands yeux bruns, une si belle bouche, mais le corps trop délié pour être vraiment d’allure angélique. Elle se demandait où pouvait-il être à cet instant, et s’employait-on encore à le punir pour sa maladresse ?
— Très bien, Votre Altesse, dit le Seigneur, mais je pense que vous comprenez que montrer de la fermeté dans les débuts, c’est faire preuve de miséricorde envers l’esclave, tout spécialement quand l’esclave est une Princesse aussi fière et aussi gâtée.
La Belle rougit à ces mots.
Le Prince eut un rire doux et discret.
— Ma Belle est tout comme une monnaie que l’on n’a pas encore frappée, et je souhaite lui faire amender tout son petit caractère. Je prendrai grand plaisir à son apprentissage. Je me demande si vous êtes vous-même aussi attentif à ses fautes que je le suis.
— Votre Altesse ?
Le Seigneur parut se raidir légèrement.
— Vous n’avez pas vous-même été fort strict avec elle dans la Grande Salle, en ne la dissuadant point de se délecter à la vue du jeune Prince Alexis. J’ai plutôt la faiblesse de penser qu’elle a pris plaisir à son châtiment, tout autant que les maîtres et les maîtresses de ce château.
La Belle s’empourpra vivement. Jamais elle n’aurait songé que le Prince l’eût observée en cette occasion.
— Votre Altesse, elle ne faisait qu’apprendre ce qui l’attendait, du moins est-ce là ce que j’ai pensé…, répondit très humblement le Seigneur. C’est moi qui ai attiré son attention sur les autres esclaves afin qu’elle puisse tirer profit de leur exemple d’obéissance.
— Ah, très bien, fit le Prince avec aménité et un peu de lassitude, peut-être me suis-je trop énamouré d’elle. Après tout, elle ne m’a pas été envoyée comme un Tribut, je l’ai gagnée et je l’ai prise moi-même, et j’en suis trop jaloux, à ce qu’il semble. Peut-être suis-je à la recherche de quelque motif pour la punir. Vous pouvez disposer. Venez la chercher demain matin, si vous le souhaitez, et nous verrons.
Le Seigneur, à l’évidence contrarié d’avoir échoué, quitta bien vite la pièce.
La Belle restait maintenant seule avec le Prince, le Prince tranquillement assis devant le feu, le regard posé sur elle. Elle se trouvait dans un état de grande agitation ; elle se sentit rougir, comme à l’accoutumée, et ses seins se soulevèrent. Soudain, elle se précipita vers le Prince, pressa les lèvres contre sa botte, et il parut esquisser un geste, comme s’il accueillait volontiers ce baiser, se redressant légèrement tandis qu’elle baisait sa botte, encore et encore.
Elle gémissait. Oh, si seulement il lui avait donné la permission de parler, et, songeant à sa fascination pour le Prince puni, elle rougit encore plus.
Mais le Prince s’était levé. Il lui saisit le poignet, la fit se dresser, et, après lui avoir placé les mains derrière le dos afin de la maintenir avec fermeté, il lui gifla brutalement les seins jusqu’à ce qu’elle criât, sentant ses chairs lourdes osciller sous les coups et la morsure des mains sur ses tétons.
— Suis-je en colère contre vous ? Ou non ? demanda-t-il avec douceur.
Elle grogna, en l’implorant Et il l’installa à cheval sur son genou, comme elle avait vu faire avec le jeune Prince sur le genou du Page, et, de sa main nue, lui infligea un déluge de coups rapides qui la firent crier instantanément.
— À qui appartenez-vous ? lui demanda-t-il à voix basse, mais avec colère.
— À vous, mon Prince, complètement ! s’écria-t-elle.
Ce fut effrayant, puis, subitement incapable de se maîtriser, elle ajouta :
— Je vous en prie, je vous en prie, mon Prince, pas de colère, non…
Mais à l’instant même, sa main gauche lui bâillonna la bouche, et elle sentit un autre terrible déluge de fessées jusqu’à ce que ses chairs la cuisent et qu’elle ne puisse plus maîtriser ses pleurs.
Elle sentait les doigts du Prince contre ses lèvres. Mais il ne se satisferait guère de si peu. Il la tenait maintenant à ses pieds et la conduisit, par les poignets, dans un coin de la chambre, entre la flambée et la fenêtre au rideau tiré. Il y avait là un haut tabouret de bois sculpté, et il s’y assit tandis qu’elle attendait debout à côté de lui. Elle pleurait doucement, mais, quoi qu’il arrive, elle n’oserait plus le supplier. Il était en colère, une colère farouche, et bien qu’elle fût capable d’endurer toutes les douleurs pour son plaisir, cette colère était insoutenable. Il fallait lui complaire, elle devait regagner son amour, et alors aucune douleur ne serait de trop.
Il la retourna et elle se tenait face à lui, assis, qui l’examinait. Elle n’osait pas le regarder droit dans les yeux, puis il rejeta sa cape en arrière, et, posant la main sur la boucle d’or de sa ceinture, il ordonna :
— Défaites ceci.
Sur-le-champ, elle lui obéit en s’exécutant avec ses dents, sans qu’il ait été besoin de le lui expliquer. Elle espéra et pria pour que cela lui plaise. Elle tira sur le cuir, le souffle rapide et léger, puis elle le dégagea pour que la ceinture s’ouvre.
— Maintenant, retirez-la, et donnez-la-moi.
Elle obéit aussitôt, même si elle savait ce qui allait suivre. C’était une ceinture de cuir, épaisse et large. Peut-être pas pire que le battoir.
Il lui ordonnait à présent de lever les mains et les yeux, et elle vit au-dessus d’elle un crochet de métal au-dessus de sa tête, qui pendait au bout d’une chaîne tombant du plafond.
— Vous voyez là que nous ne sommes nullement démunis vis-à-vis des petits esclaves désobéissants, fit-il d’une voix d’une douceur inhabituelle. Allons, attrapez ce crochet, même si cela doit vous faire dresser sur la pointe des pieds, et ne songez pas à le lâcher, m’avez-vous compris ?
— Oui, mon Prince, sanglota-t-elle doucement. Elle le tint fermement, ce qui lui fit tendre tout le corps. Le Prince recula le tabouret sur lequel il était assis, comme pour s’installer confortablement. Il avait largement la place de manier le cuir, dont il avait fait une boucle, et il marqua un temps de silence.
La Belle se maudit d’avoir admiré le jeune Prince Alexis. Elle avait honte de ce que son nom se fût formé dans son esprit, et lorsque le premier coup de ceinture cingla ses cuisses, elle laissa échapper un petit cri de frayeur, mais en fut heureuse.
Elle le méritait. Jamais plus elle ne commettrait pareille erreur, aussi beaux et aussi attirants les esclaves soient-ils. Le regard effronté qu’elle avait posé sur eux était une chose impardonnable.
La lourde et large ceinture de cuir la frappait avec un bruit mat et effrayant, et la chair de ses cuisses, plus tendre peut-être que celle de ses fesses pourtant endolories, lui parut prendre feu sous les coups. Elle avait la bouche ouverte, incapable de se tenir tranquille, et tout à coup le Prince lui ordonna de lever les genoux et de marcher sur place.
— Vite, vite, oui, en cadence ! fit-il avec colère. La Belle, surprise, s’efforça d’obéir, d’un pas rapide, les seins ballottés par l’effort, le cœur battant.
— Plus haut plus vite.
Elle marcha comme il l’ordonnait, ses pieds frappant le sol de pierre, les genoux levés très haut, les seins terriblement douloureux à cause de leur poids et de leur balancement, et la ceinture, encore et encore, vint la gifler et l’aiguillonner.
Le Prince était comme pris de furie.
Les coups tombaient plus vite, toujours plus vite, aussi vite que le mouvement de ses jambes, et bientôt la Belle se mit à se contorsionner pour tenter de leur échapper. Elle pleurait à chaudes larmes, incapable de s’arrêter, mais le pire de tout, le pire de tout, c’était la colère du Prince. Si seulement tout ceci avait été pour son plaisir, si seulement elle l’avait comblé de plaisir. Elle pleurait, le visage enfoui au creux du bras, la plante de ses pieds la brûlait, ses cuisses étaient enflées et marbrées de douleur, tandis qu’il se défoulait sur ses fesses.
Les claques tombaient si vite qu’elle perdit toute notion de leur nombre, elle savait seulement qu’il y en avait encore plus que jamais, et il avait l’air de s’agiter de plus en plus. Sa main gauche lui braqua le menton en l’air et lui ferma la bouche pour l’empêcher de crier, et il lui ordonna de marcher plus vite et de lever plus haut les jambes.
— Vous m’appartenez ! lui dit-il sans cesser de lui assener des coups brutaux de sa ceinture. Et vous apprendrez à me plaire en toutes choses, et vous ne me causerez jamais de plaisir en portant le regard sur les esclaves mâles de ma mère. Est-ce clair ? Comprenez-vous ?
— Oui, mon Prince, parvint-elle à répondre.
Mais il avait l’air de la punir à l’aveuglette. Et, arrêtant sa course sur place en la soulevant à mi-corps, il la déposa sur le tabouret qu’il venait de quitter, en sorte que, se balançant au crochet auquel elle s’agrippait comme si sa vie en dépendait, elle se retrouva renversée dessus, le siège de bois appuyé contre son sexe nu, les jambes ramenées en arrière, sans défense.
C’est alors qu’elle reçut la pire des pluies de coups, des coups durs et cinglants qui firent trembler ses mollets et lui cuirent les jambes, comme ses cuisses auparavant. Mais non content de s’occuper de ses jambes, il revenait sans cesse à ses cuisses, pour les punir plus durement, si bien que la Belle, secouée de sanglots, crut que cela ne finirait jamais. Tout soudain, il cessa.
— Lâchez ce crochet, ordonna-t-il, et il la bascula sur son épaule pour lui faire traverser la pièce et la jeter sur le lit.
Elle tomba sur le dos, contre l’oreiller, et sentit aussitôt, contre ses fesses douloureuses et enflées, un picotis rugueux. Il lui suffit de tourner à peine la tête sur le côté pour voir des joyaux scintiller sur le couvre-lit Et elle savait quelle torture elle allait endurer dès qu’il la monterait.
Mais elle le désirait si fort. Et quand elle le vit se dresser au-dessus d’elle, elle ne sentit pas la douleur brûlante vibrer dans son corps, mais un flux de liqueurs entre ses jambes et un nouveau gémissement, tandis qu’il s’ouvrait un passage en elle.
Elle ne put s’empêcher de relever les hanches, priant pour que cela ne lui déplût pas.
Il s’agenouilla au-dessus d’elle, dégagea de ses hauts-de-chausses sa bite en érection, puis la souleva et l’empala sur son instrument. Elle cria. Sa tête retomba en arrière. C’était un grand objet qui s’introduisait en elle, dans son orifice endolori et pantelant. Mais elle le sentait baigné de ses liqueurs, et comme le Prince forçait plus profond et la faisait descendre sur son sexe, cela lui fit l’effet d’une broche qui s’enfilait sur un cœur mystérieux au fond d’elle-même, irradiant en elle des ondes d’extase, au point qu’elle lâcha de grands gémissements gutturaux, malgré elle. Les poussées du Prince se firent sans cesse plus rapides, puis il lâcha lui aussi un doux cri, et la tint tout contre elle, ses seins douloureux pressés contre sa poitrine, ses lèvres dans sa nuque, son corps s’amollissant lentement.
— Belle, Belle, chuchota-t-il. Vous m’avez conquis aussi sûrement que je vous ai conquise. N’éveillez jamais plus ma jalousie. Je ne sais ce que je ferais si vous recommenciez.
— Mon Prince, gémit-elle en l’embrassant sur la bouche, et, voyant la détresse sur son visage, elle le couvrit de baisers. Je suis votre esclave, mon Prince.
Mais il se contenta de gémir et d’enfouir son visage dans son cou. En s’étendant à côté d’elle, il prit son verre de vin sur la table de nuit et, regardant fixement le feu, parut demeurer un long moment plongé dans ses pensées.